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Is it a bird ? Is it a plane ? No, it is la 5G !

Onde de tristesse

   Par les temps et les humains qui courent, moi, Hedge le hérisson, j’imagine, je réfléchis, je m’interroge, bref, je pense. Et quand je pense, d’évidence je suis. Oui, je suis… le fil de mes pensées où les doutes – tels des guerriers – m’assaillent ; particulièrement depuis que Mimi la fourmi – une de mes amies – est venue à moi toute échevelée (ce qui, vous l’avouerez, est assez rare pour un formicidé) m’avertir de ce qu’elle croondait* en ce moment. C’est que Mimi, malgré sa taille minuscule, est un peu voyante. Or, la voilà qui se met à me parler portable, réseau, déploiement, 5G… Au début, je ne capte rien, mais ses visions sont tellement précises que je suis bientôt parfaitement au fait de ce qui se trame dans le monde des humains.

   De là naissent mes doutes, et cette étrange tristesse qui m’a prise et m’oppresse ; cette interrogation aussi : est-ce bon ces ondes en toutes saisons ?

   Vous me rétorquerez peut-être que c’est une curieuse question pour un hérisson. Mais puisque la Terre, avec ces antennes érigées de partout, me ressemble chaque jour un peu plus, j’estime que le débat me concerne.

*Croonder : en langage fourmi signifie « sentir un truc bizarre ». Il est d’usage de dire que la fourmi cronde.      

 

L’homme va…   

  Voici ce que Mimi l’extralucide avait entendu :
 « Services stabilisés, maisons connectées, véhicules intelligents, télétransmission, télémédecine, télélavenir, heu… tel est l’avenir qui se dessine, chers citoyens ! Les données comme les voitures circuleront en toute sécurité. Et Lafontaine a dit : dans le courant d’une onde pure, vos smartphones ne rameront plus. »
   « Grâce à nous, vous, les gens, irez de l’avant, nous sommes vos amis, ne soyez pas nos Amishs. »
  « La 5G, faut y aller ! Nous ne déclarerons pas forfait ! Et quand bien même le vôtre augmentera, dites-vous que le futur est à ce prix ! »
  « Et 1, 2, 3, à 4 j’ai des idées, à 5 j’ai… décidé ! (extrait de la chanson les 5 j’ai de la 5G) »

   Et voilà ce qui s’était passé :
  Ni une, ni deux, la décision fut prise. Il y avait, parait-il, tant d’avantages (et davantage encore) à la 5G que les inconvénients furent bien vite gommés. Poussé par les industriels, et guidé par les innovateurs, le crayon politique, d’un trait volontaire, avait modifié désavantages en des avantages.

   Incroyable, hein ? Mais vrai, aurait ajouté mon ami Jacques le martin-pêcheur.

 

… de plus en plus vite…

  Après ça, Mimi s’est brusquement emballée. Elle s’est mise à courir autour de moi à toute vitesse en débitant à la volée des chiffres et des lettres à m’en donner le tournis.

C’estmathématiqueHedgiec’estmathématique:lesdébitsen5Gdestéléphones
mobilessont2fois5foisdonc10foisplusélevésqueceuxdela4G.Cesdébitsseron
tàdiviserentredes1000000d’utilisateursquieuxn’auronttoujoursque2yeux
1cervauet24heuresdans1journéepourlireécouterdigérerdes1000000dedon
néessupplémentaires;cequ’ilsneparviennentdéjàpasfaireaveccellesfournie
sparla4G.EtlavitesseHedgie!elledéfriseratespiquants.Calculequepour5Gmoi
ns4Gdonc1Gdepluslavitessedetéléchargementd’1vidéooud’1fichierseramult
ipliéepar7!Terendstucomptel’hommmetechnologiquecourtHedgieilcourtde
plusenplusvite.

   Et puis, elle est partie, me laissant tout abasourdi. Soumis à un tel débit, je n’avais pas tout compris. Mais j’ai pris du recul, et bien vite tout est devenu aussi limpide que l’eau de mon étang : avec la 5G, l’homme plongeait à corps perdu dans une course technologique effrénée ! Il courait, allait de l’avant, plus vite, toujours plus vite pour être dans les temps, alors que moi, qui était au bord, je le voyais qui s’épuisait. Alors, je me suis posé cette question : être à fond au fond, ça sert à aller où ?

 

… vers nulle part.

  L’homme est une créature qui peut tout faire. Elle·peut, elle·peut… crie-t-elle partout, à la troisième personne. Elle n’est d’ailleurs plus très loin du nous de majesté, à peine à un jet de se croire surtout et sur tout supérieure en tout.

  Malgré ça, moi, Hedge le hérisson, cette créature je l’aime – elle n’est qu’un manimal ; elle l’a juste oublié – alors je me demande… je me demande si elle n’est pas en train de se noyer dans l’onde de la 5G, et de crier partout en vérité : hel·pe, hel·pe !  

  Oui, je crains qu’à vouloir aller toujours plus vite elle ne se perde en route, malgré GPS et voitures autonomes. Pire ! qu’elle n’aille se jeter contre le mur du son et de l’image à la même vitesse qu’un téléchargement de fichier, c’est-à-dire… laissez-moi compter… 1, 2, 3… oh la, la ! les hommes n’iront plus au bois… 4, 5, 6… ni cueillir des cerises… 7 fois plus rapidement que maintenant ! Non, à ce rythme-là, c’est certain, ils ne mettront plus les pieds en forêt, à la place resteront plantés dans leur fauteuil à regarder toujours plus de films ou travailler sans discontinuer. Avoir autant de données mobiles ne servirait-il qu’à rester encore plus immobile ?

 

7, 8, 9 pour un regard neuf ?

 

   Bien sûr, on me dira que je ne comprends rien à tout cela, qu’il y a tellement, tellement d’avantages à la 5G que je devrais vivre avec mon tant. Mais, que voulez-vous, je suis un hérisson de la vieille école qui aimerait voir au contraire les hommes ramer beaucoup plus sur les ondes – celles de son étang – et regarder plus souvent la campagne qui s’offre à leurs yeux. Après tout, nul besoin de portable pour se connecter à la nature.

 

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